Le projet Albero, publié par Margutte, est un projet de traduction multilingue basé sur le poème de Richard Berengarten, TREE. Voir ici les traductions du poème en dix langues.
Le projet s’est maintenant enrichi d’une nouvelle œuvre d’art – un court-métrage de Geneviève Guétemme – qui mêle la version anglaise (récitée par Richard Berengarten), la version gaélique (récitée par le traducteur irlandais, Gabriel Rosenstock) et la version italienne (établie par Silvia Pio et mise à l’écran sous forme de texte défilant). La bande-son est de Derek Ball.
Où et quand avez-vous rencontré Richard?
En tant qu’artiste, j’ai toujours été intéressée par la poésie. Mon doctorat en histoire de l’art s’est concentré sur les marges du littéraire et du visuel, et je travaille depuis de nombreuses annéesavec des poètes dont j’illustre la poésie
J’ai rencontré Richard lors d’une lecture à Cambridge. La conversation que nous avons eu à l’issue de cette lecture nous a permis de réaliser que nous avions une amie en commun: Béatrice Bonhomme (poète française, universitaire et rédactrice du Journalde poésie contemporaineNu(e)). Elle préparait justement un numéro spécial sur un livre de Richard The Blue Butterfly et Richard m’a suggéré de faire quelques dessins. Sur une série de dix-sept fusains, dix ont été sélectionnés pour la publication.
Cette première collaboration en aentrainé d’autres : un court métrage muet pour le lancement de Notness par exemple et un jeu de huit cartes postales pour la présentation de Changing à la bibliothèque universitaire de Cambridge. Enfin, en octobre 2017, la vidéo TREE.
Comment est née l’idée de cette vidéo? D’où est-elle venue ?
En 2015, la bibliothèque de l’université de Cambridge a souhaité présenter le livre le plus récent deRichard à cette époque :Notness– en lien avec l’acquisition d’une grosse part de ses archives. Richard m’a alors invitée à proposer quelque chose de visuel pour cetévénement, et j’ai accepté. J’ai vitedécouvert que nous ne pouvions rien accrocher sur les murs mais que la salle disposait de plusieurs écrans. J’ai donc décidé d’utiliser ces supports et de faire une courte vidéo.
Mes techniques préférées incluent en effet le dessin, la photographie et le film, et la mise en image desmots de Richarddans une vidéo est un défi qui m’a beaucoup stimulée. Aussi, lorsqu’il m’a parlé de TREE, j’ai décidé de me lancer dans une approche similaire. J’ai également tenu compte du fait que la vidéo, en tant que médium travaillant sur la durée,pourrait fonctionner en lien avec la structure d’un poème aussi long que TREE. Mon travail s’est progressivement transformé en une recherche sur le rythme, les accélérationset décélérations, du texte en jouant avec la vitesse des images ainsi que les tremblements et les différents mouvements de caméra. Cela m’a également permis d’explorer les liens entre le temps des images et la double longueur d’un poème lu dans deux langues différentes. Le film s’est mis à relierla bande-son de Derek Ball, avec ses deux voix, et les processus simultanés de visionnage, de lecture et d’écoute. L’ensemble a produit une sorte de danse avec des branches et des feuilles qui s’entremêlent aux mots anglais, gaéliques et italiens.
Quelles ont-été vos sources d’inspiration?
Mon travail se construit toujours lentement, couche par couche. C’est une sorte de processus de sédimentation et ce film a mis plusieurs mois à trouver sa structure. Richard m’a parlé du projet en juin et j’ai passé mon été à filmer des arbres – lors de visites familiales en France et en Hollande, autour de notre maison à Cambridge, en attendant le bus, en ville, en dehors de la ville, etc. …
J’ai rassemblé des rushs sur toutes sortes d’arbres dans toutes sortes de conditions météorologiques et de lumière. Ces prises de vue qui duraient généralement entre une et trois minutes ont été faites en marchant, en faisant du vélo ou depuis la banquette arrière d’unevoiture. De temps en temps, je jetais un coup d’œil à cette collection et j’ai commencé à les éditer en septembre, me donnant trois semaines pour finir le montage. Je voulais que le tout soit terminé à temps pour le TREE Festival à Mondovi (Italie).
En fin de compte, j’ai simplement importé la bande sonore de trente minutes dans mon logiciel d’édition et j’ai commencé à travailler sur un rythme visuel. Finalement, quand Richard m’a donné la traduction italienne de Silvia Pio, celle-ci s’est insérée tout naturellement dans la structure globale du film. Elle est venue consolider le mélange d’expérience auditive et visuelle, associées aux multiples images de la nature. La traduction italienne a permis d’élargir le spectre intellectuel et sensuel du discours poétique et d’enrichir les liens entre les langues dans la poésie.
Que va devenir ce film?
Derek Ball et moi présenterons sans doute ce film dans des festivals de poésie. Mais surtout, il est devenule point de départd’un nouvel ensemble de dessins et de films que je souhaite réaliser à partird’une liste de verbesliés à la marche, au dépassement ou à la respiration. Il va me permettre de continuer mon exploration du mouvement lié au langage.
Une exploration des liens entre arts visuels et poésie contemporaine