GIULIANO LADOLFI
(Introduction à Trahir Verlaine. Anthologie de textes poétiques traduits par Giuliano Ladolfi, Giuliano Ladolfi editore 2011)
Traduire et trahir nous proviennent du même mot étymologique latin tradere, qui signifie “remettre”, c’est à dire recevoir un objet et le confier à une autre personne. Traduire, pourtant, exige un passage d’une langue à une autre, qui dans l’intention commune devrait conserver les caractères originels. “Trahir” aussi suppose un passage, mais en ce cas l’instrument du moyen fait une oeuvre négative, qui pose l’attention aux qualités de l’élément confié: Judas donne Jésus en garde aux ennemis commençant le chemin qui conduira le Redenteur sur la croix.
C’est impossible de traduire la poésie, parce que le vers contient toujours une valeur ajoutée en rapport de la simple signification de la prose (n’oublions pas que en ce cas aussi aucune traduction ne réussira jamais à reproduir un “calque” de l’originel), le composant musical des mots. Reconstruire le rapport entre son et sens, surtout dans la condition dans laquelle le premier forme un élement sémantique et pas seulement extérieur, quelquefois peut réussir, mais il est impossible dans une entière composition, je ne dis pas dans un recueil, si vous faites seulement attention aux rimes. Plus les langues sont semblables, plus le résultat peut être proche: une traduction de l’espagnol à l’italien et vice-versa peut garder beaucoup d’aspects originels, mais une traduction de la langue turque présente insurmontables problèmes.
Traduire, pourtant, exige une “trahison” du texte et oblige à une nouvelle totale écriture. Au contraire, un texte qui superpose mot à mot est destiné fatalement à la faillite. Poètes sublimes apparaissent médiocres, impropres et éteints.
N’oublions pas, puis, le problème chronologique: Dante en anglais doit-il être traduit avec une langue contemporaine ou bien doit-on garder un vernis archaïque, comme le lecteur italien d’aujourd’hui leperçoit? Dans le premier cas il faut perdre le charme des mots anciens qui pour nous conservent encore l’aspect fantastique d’un monde médiéval et chevaleresque. Il faut seulement penser aux célèbres vers du chant V de l’Enfer, quand Francesca dit:
Amor, ch’a nullo amato amar perdona
mi prese del costui piacer sì forte,
che, come vedi, ancor non m’abbandona.
Est-ce que le traducteur peut transporter la magie de la rime, des allittérations du premier vers, de la reprise de la voyelle “e” dans le deuxième avec l’exit du “o” de la voyelle de rime en consonance avec les deux autres vers et puis la répétition de la voyelle “o” dans le dernier, sans oublier la structure rythmique semblable dans les deux premiers cas et “ralentie” à la fin?
Si habile que soit le traducteur, il n’existe pas une autre possibilité que de “trahir” l’originel.Ainsi seulement un très bon connaisseur d’une langue peut ouvrir l’écrin des trésors poétiques. D’ailleurs, les études des langues classiques avaient origines précisément de la persuasion que la poésie peut garder ces trésors de humanitas, de dignitas, de pulchritudo, capables de former les esprits au verum, au pulchrum et au bonum.
Chaque traducteur, donc, doit affronter des insolubles problèmes: il comprend le texte, le goûte, le sirote, s’identifie,mais il ne trouve pas dans son idiome les mots nécessaires pour reproduire exactement le charme expérimenté. Il faut, donc, choisir entre deux possibilités: la pire serait celle de décider chaque cas à part sans un plan organique déduit de l’exacte connaissance du poète de langue différante.
Quelle est la caractéristique d’un écrivain? Si je devais conseiller un traducteur de Andrea Zanzotto, je l’inviterais à reproduire les jeux de mots présents dans presque toutes ses compositions, de Guido Gozzano à employer le style “d’un élève, corrigé un peu par une servante”, en faisant frapper «l’aulique avec le prosaïque»; pour Giorgio Caproni je conseillerais de recréer la musicalité, de Sandro Penna la cristallinité stylistique, de Vittorio Sereni l’austérité sèche de la parole, de Gabriele D’Annunzio la somptuosité baroque, de Mario Luzi l’extension sémantique, musicale et syntactique, caracteristique d’un “natif” du language toscan et ainsi de suite.
La “trahison”, en effet, consiste à privilégier l’aspect que l’on estime fondamental, prédominant sur les autres; et n’oublions pas que le vers, le rythme, les écolalies et les alliterations doivent être réputés des éléments indispensables de chaque traduction. En conséquence, quand je suis tombé amoureux de la poésie de Paul Verlaine, je me suis posé la question sur le coeur de sa poésie; la réponse a été donnée par lui même:
De la musique avant toute chose
[…]
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise.
Alors j’ai commencé à “trahir” Verlaine en prenant la musicalité comme élément qualifiant et en mettant en pratique le deuxième précepte dans le choix des mots.
À partir de ce travail est né un petit recueil, dans lequel j’ai cherché de reproduire avec beaucoup d’attention la musicalité, les rimes, les rythmes, les allittérations et toute la suggestion qui invite le lecteur à cueillir le côté “nouménal” de la réalité par cette atmosphère rêveuse qui le place dans une dimension “autre”, où les choses se révèlent.
Il est entendu qu’aucun autre poète, sauf notre Caproni, ne peut être traduit de telle façon. Lire Verlaine, en effet, équivaut à être transportés dans un monde voilé de tristesse, de nostalgie, de douceur inquiète, où le sentiment ne tombe jamais en tragédie, mais se mêle à une aspiration coupée dans le moment même de sa naissance, à l’ineffabilité d’un désir irréalisé, à “ce qui pouvait être et n’a pas été”. En Verlaine nous voyons un malaise impalpable, retenu, pudique, souvent immotivé, c’est à dire une conscience mélancolique de la limite existentielle où l’être humain est exilé.
(texte traduit par GIULIO GRECO)