Denis Emorine et la poésie.
Quatre poèmes inédits extraits de Psaumes du mensonge
I.
Chaque nuit
Un fantôme frappe à ma porte
Il vient de l’Est
Je le sais
Il porte le même nom que moi
Денис Еморин
Et me ressemble étrangement
Comme un faux- frère
Lorsqu’il s’approche de mon lit
Je feins d’être profondément endormi
Mais il entend mon cœur battre à
Coup redoublés
Je le sais
Derrière lui
On distingue un camp de prisonniers
Chaque nuit
Les barbelés m’emprisonnent
Entaillent profondément mon front et mes mains
Je voudrais chasser cet importun
Le tuer peut-être
Mais ce serait trop facile
Au petit matin
Lorsque je m’éveille la tête me brûle
Et les draps sont rouges
***
II.
Quelquefois
Quelqu’un me parle de l’au-delà
D’une voix que je n’entends pas
Une voix de tous les trépas
Pourtant
Mon pas est plus lourd
Sans que je sache pourquoi
J’ai du mal à l’écrire sans doute
Quelquefois
Je doute des mots
Que je grave sur les chemins que j’emprunte
A l’intérieur de moi
Quelquefois…
***
III.
Regarde
La nuit est tombée sur le monde
Les assassins toujours sont victorieux
Nous n’osons pas tirer
De peur d’abattre les innocents
Dont le coeur palpite dans notre direction
Pourtant
Nos mains caressent les armes avec amour
Il suffirait de peu
Pour les faire parler en notre nom
En les serrant contre nous tant et plus
Aujourd’hui
Mon cœur saigne
J’ai la bouche en sang
Remplie de noms inconnus
Aux sonorités étranges
Ici et là
On me tire par la manche
Et je me dégage avec brusquerie
On m’apostrophe dans toutes les langues du monde
Mais je n’en reconnais aucune
Les étoiles scintillent toujours pour rien
A force de souffler dessus
On finira par les éteindre
Et la nuit tombera définitivement sur le monde
***
IV.
Détournons les yeux
Une bonne fois pour toutes
Au-delà de ces yeux clairs
Je cherche des bras et
Une voix qui n’ existent plus
Je suis arrivé de l’autre côté des mots
Par mégarde
Mais je ne voyais que toi
Je le jure.
L’horizon absorbe ton sourire
La terre est déserte
J’irai enterrer les mots de l’autre côté
Notes biographiques brèves.
Denis Emorine est né en 1956 près de Paris. . Il a fait des études de Lettres modernes à la Sorbonne (Paris IV).Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue .Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, en Grèce, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres sont traduits et édités en Grèce, en Roumanie, en Inde et aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature “Les Cahiers du Sens”. Il dirige trois collections de poésie aux Editions du Cygne. En 2004, Emorine a reçu le premier prix de poésie (français) au Concours International Féile Filiochta. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 »
Quand et comment avez-vous commencé à écrire des poèmes?
J’avais une quinzaine d’années. Quelques années plus tard, étudiant en Lettres à la Sorbonne, j’ai ébauché un premier manuscrit. J’ étais fou de littérature .Je voulais être écrivain depuis mon adolescence.
Qu’est-ce que la poésie pour vous?
La poésie est ce qui suinte de l’intérieur sans la distance de la fiction, c’est l’ expression de l’intimité de l’être.